COMMENTAIRE D’ARRÊT (TF 2C_257/2023) : LA LEVEE DU SECRET PROFESSIONNEL DE L’AVOCAT

July 10, 2024

LES FAITS

Me X., avocat inscrit à Schwytz, est investi d’une procuration. Cette dernière contient une clause de levée du secret professionnel. En septembre 2021, afin de recouvrer à ses honoraires, Me X. intente une action contre son client dans le canton de St Gall. Plus tard, en avril 2022, l’Ordre cantonal des avocats décide d’ouvrir une procédure disciplinaire contre Me X. pour violation du secret professionnel (art. 13 al. 11 LLCA) et le condamne à CHF 1’000 d’amende. Suite à un rejet du recours de Me X., ce dernier intente un recours au Tribunal Fédéral (TF).

Quid de la validité de la clause anticipée de levée du secret professionnel de l’avocat ?

LE DROIT

Le TF souligne l’importance du secret professionnel. Il s’agit d’une obligation accessoire qui découle du contrat de mandat de l’avocat, formant ainsi un fondement de l’obligation de droit privé du mandat au sens de l’art. 398 al. 2 CO. Il s’agit d’une véritable « règle professionnelle » au sens de l’art. 13 LLCA, si bien qu’en raison de l’importance des intérêts qu’il protège, le secret professionnel jouit d’une protection particulière au niveau national (321 CP), ainsi qu’au niveau européen (art. 8 CEDH). De ce fait, toute violation donne droit à un procès équitable au sens de l’art. 6 CEDH.

Le rapport de confiance existant entre l’avocat et son client est essentiel pour maintenir une communication libre de contraintes et assurer une représentation efficace. L’avocat est investi d’une mission fondamentale, il est donc impératif d’assurer son indépendance afin de protéger la confiance du client. Ainsi, pour lever un tel secret, les consid. 5.6 et 5.8 rappellent la nécessité de remplir a minima les exigences du droit pénal. À savoir, un motif justificatif au sens de l’art. 321 ch. 2 CP et le consentement de la victime avant la violation.

Le consid. 5.8 dispose que le client doit avoir une pleine conscience des conséquences d’une telle clause sur sa situation juridique. En conséquence, le motif du désengagement et l’étendue de la relation de mandat doivent être décrits concrètement. La levée du secret professionnel ne saurait intervenir sous la forme d’une autorisation générale donnée une fois pour toutes, car elle constituerait un engagement excessif au sens de l’art. 27 CC. Or, dans le cas d’espèce, au moment de la signature de la procuration, le client ne peut prévoir ni la portée que la levée donnerait de manière anticipée, ni les informations que l’avocat pourrait utiliser.

De manière générale, le TF avance qu’au moment de la signature d’une clause anticipée de levée du secret professionnel, le client ne peut jamais prévoir clairement quelles informations personnelles seront utilisées par l’avocat dans un éventuel litige portant sur les honoraires. Même si les honoraires forfaitaires sont fixés en avance, le client peut toujours opposer à l’avocat une inexécution ou une mauvaise exécution de la prestation convenue. Dans un tel cas, il n’est jamais possible de prévoir avec suffisamment de précision les informations que l’avocat devrait divulguer sur son client pour défendre sa créance, tant qu’un litige concret n’est pas survenu. Dans ces circonstances, une levée du secret professionnel en vue d’un potentiel litige ultérieur sur les honoraires sera pratiquement toujours inadmissible.

In casu, la clause ne décrit pas suffisamment l’étendue du mandat, ni le recouvrement d’honoraires ou toutes informations qui pourraient être révélées par l’avocat. Ainsi, l’art. 13 LLCA est violé et la clause n’est pas valable.

Dans La levée du secret professionnel de l’avocat en vue du recouvrement de ses créances d’honoraires, BOHNET F. / ELCARNE L., il est proposé un exemple de clause de recueil anticipé du consentement à la levée du secret professionnel.

« Par sa signature, le mandant consent à la levée du secret professionnel pour les informations nécessaires au recouvrement des honoraires du mandataire (existence du mandat, opérations effectuées, heures facturées, tarif horaire applicable, degré de complexité de l’affaire) qui pourront être communiquées, dans ce but, auprès des offices de poursuites et faillites et/ou des autorités judiciaires ou organe de recouvrement compétent. Le mandant peut révoquer son consentement en tout temps ».

Elle semble offrir au client des informations suffisamment précises et adéquatement circonscrites dans leur domaine d’application, permettant de conclure que le client donne son consentement en toute connaissance de cause. 

 

THE GOVERNANCE LAW FIRM

 

 

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